PYRAMIDE

PYRAMIDE
PYRAMIDE

La pyramide, type de monument d’origine purement égyptienne, fut, au moins sous l’Ancien Empire (env. 2700 à 2200 av. J.-C.), essentiellement la tombe d’un roi et parfois d’une reine, les dimensions étant en ce dernier cas beaucoup plus modestes. Près d’une quarantaine de pyramides de rois de la IIIe à la XIIIe dynastie, période couvrant un millénaire, ont été identifiées ou repérées. La forme pyramidale même est issue de celle des grands monuments en gradins appelés par analogie «pyramides à degrés», que l’on édifia sous la IIIe dynastie; celles-ci figuraient sans doute l’escalier que, dans les Textes des pyramides , il est demandé que l’on dresse afin de faciliter l’ascension de l’âme du roi décédé vers son père Rê, le Soleil. Le passage de la pyramide primitive à degrés à la pyramide véritable s’effectua à l’avènement de Snéfrou, fondateur de la IVe dynastie, lorsque l’architecte eut l’idée de matérialiser dans la pierre le tracé triangulaire où s’inscrivait auparavant le profil à degrés du monument. Cette forme nouvelle plus pure, rappelant celle du benben , la pierre sacrée d’Héliopolis, pouvait aussi bien permettre l’ascension de l’âme royale le long de ses pentes pointant directement vers le ciel que les gigantesques degrés construits jusqu’alors. Simultanément, un second symbolisme se superposa au premier: les théologiens, comparant la forme triangulaire de la pyramide au large faisceau de rayons que le soleil darde sous les nuées, virent en elle une pétrification de ces rayons bénéfiques assurant désormais la protection de la tombe du roi.

La pyramide ne constituait pas en elle-même un tout; elle était la partie dominante d’un important complexe monumental comprenant en outre, au moins dès la fin de la IIIe dynastie, deux temples reliés entre eux par une chaussée privée, généralement couverte et ornée de bas-reliefs comme les salles principales de ces temples: le temple haut, où se rendait le cultefunéraire, était disposé, en principe, sur la face orientale de la pyramide; le temple bas, où se faisait la réception des cortèges, se situait en lisière de la vallée et comportait un bassin d’accostage pour les bateaux. Une enceinte entourait la pyramide et, à partir de la Ve dynastie, en partie son temple haut. Enfin, de très grandes barques de bois déposées dans des caveaux, ou parfois des simulacres de barques en pierre analogues, pouvaient être réparties à côté de l’enceinte ou de la chaussée.

L’origine du mot de pyramide est encore discutée entre les partisans d’une racine égyptienne hellénisée et ceux d’une origine purement grecque. Alors que dans les textes égyptiens la pyramide est toujours désignée par le vocable mer , Hérodote emploiera le mot 神羽福見猪晴﨟, qui désignait aussi un gâteau de miel et de farine. Néanmoins, comme on trouve ce mot appliqué peu après à la figure géométrique matérialisée par ces tombeaux, il semble plausible que les mathématiciens grecs, qui, tel Pythagore, s’étaient rendus en Égypte dès avant Hérodote, aient retenu pour nommer aussi bien ces édifices que leur figure géométrique un terme revenant fréquemment lorsqu’il en était question; Maspero avait ainsi songé à celui de pr-m-ous , utilisé par les géomètres égyptiens pour désigner l’une des lignes déterminantes de la pyramide.

1. Les pyramides à degrés de la IIIe dynastie (env. 2700-2620 av. J.-C.)

La première pyramide et la plus connue est celle du roi Zoser ou Djéser, édifiée à Saqqarah par Imhotep, le célèbre ministre-architecte qui fut divinisé quelque deux mille ans plus tard, puis identifié par les Grecs à Asklépios en raison de ses talents médicaux, tandis que, au IIIe siècle avant notre ère, l’historien Manéthon en faisait l’inventeur de l’art de bâtir en pierre de taille. Imhotep, également grand-prêtre du culte du Soleil à On (Héliopolis), aura sans doute voulu marquer, par cette forme symbolique de gigantesque escalier dressé vers le ciel, l’aspiration du roi à s’évader du séjour souterrain des morts et à s’élever vers celui des dieux.

Cette pyramide recouvrit un grand mastaba carré de plus de 71 mètres de côté, type de superstructure ayant peut-être figuré la butte primordiale émergeant des eaux du chaos et à partir de laquelle Atoum avait créé l’univers. Mais ce mastaba ayant été étendu de 8,40 mètres vers l’est pour y incorporer une rangée de puits d’accès à des tombes d’enfants royaux, la pyramide se trouva allongée d’autant dans le sens est-ouest; celle-ci, qui devait d’abord comporter quatre degrés, s’éleva à une quarantaine de mètres (fig. 1). Une dernière transformation étendit son massif vers le nord et vers l’ouest et porta le nombre de ses gradins à six, la hauteur atteignant alors près de 60 mètres pour une base de 109 mètres sur 121, oblongue d’est en ouest. Tandis que dans le mastaba initial les assises sont normalement disposées par lits horizontaux continus, le massif de la pyramide est constitué de tranches de maçonnerie d’environ 2,60 m d’épaisseur, inclinées de 160 par rapport à la verticale et s’appuyant les unes sur les autres, les lits étant déversés vers le centre et perpendiculairement aux faces de parement. Cette structure, qui assurait une grande stabilité, fut caractéristique des pyramides à degrés de la IIIe dynastie.

À celle de Zoser, le massif en gradins recouvre un vaste puits de 7 mètres de côté, dans lequel, à 28 mètres de profondeur, le caveau royal a été installé entre cinq assises de gros blocs de granit d’Assouan admirablement taillés et jointoyés. L’orifice cylindrique ménagé dans le plafond de ce caveau fut bloqué par un énorme bouchon de granit pesant plus de trois tonnes. Celui-ci ayant été forcé, les violateurs s’introduisirent dans le caveau et arrachèrent la momie de Zoser, dont l’un des pieds qui s’était détaché gisait encore au fond.

Dans une cour du temple funéraire situé au nord de la pyramide, une descenderie aboutit à la chambre de manœuvre surmontant le caveau et donne accès à l’appartement du ka et à un réseau complexe de galeries destinées sans doute au mobilier funéraire. Dans l’appartement même, plusieurs chambres sont revêtues de faïences bleues et les chambranles des portes sont ornés du protocole royal très finement sculpté: la façade de cette demeure du ka y est figurée, également revêtue de faïences, avec des simulacres de portes et de petites fenêtres, et sur les panneaux de ces fausses portes trois bas-reliefs inscrits montrent le roi effectuant des rites symboliques. D’autres galeries indépendantes, demeurées intactes jusqu’aux fouilles de 1933-1935, contenaient plusieurs dizaines de milliers de vases d’albâtre et de pierres dures variées, sur certains desquels des noms de rois des deux premières dynasties avaient été gravés.

Pyramide et temple ne constituaient toutefois que le centre d’un immense complexe monumental de quinze hectares, limité par une magnifique enceinte à redans bastionnée, haute de 10,50 mètres à l’origine (fig. 2). Imhotep imagina d’y figurer en constructions de pierre de taille tout le cadre architectural du heb-Sed , importante fête jubilaire où le roi était réintronisé; par la célébration périodique de son heb-Sed dans l’au-delà, le ka de Zoser devait ainsi conserver éternellement son pouvoir royal. En vue de ces cérémonies purement idéales, Imhotep transposa dans la pierre les sanctuaires de types divers qui, pour la durée de la fête Sed , amplifiaient alors déjà avec le bois ou la brique crue les édicules légers de roseaux ou de clayonnage dressés en cette occasion aux temps prédynastiques.

Enfin, un second tombeau pour le roi fut préparé dans l’épaisseur du massif d’enceinte sud, comportant, comme la pyramide, un caveau de granit et un appartement souterrain avec le même type de décor de faïences bleues, de chambranles et de stèles-fausses portes au nom du roi; ce tombeau figura peut-être le cénotaphe que les Horus des deux premières dynasties érigeaient à Abydos. Aux complexes funéraires ultérieurs, une seconde tombe se retrouvera de même au sud de la pyramide, d’abord sous forme d’un mastaba, puis d’une pyramide satellite de dimensions réduites. À partir de la Ve dynastie, cette pyramide satellite se situera au sud du temple haut, près de l’angle sud-est de la pyramide principale.

Les successeurs immédiats de Zoser, l’Horus Sekhem-Khet et probablement l’Horus Khâba, construisirent aussi des pyramides à degrés, respectivement à Saqqarah et à Zaouiêt el-Aryân, mais ils ne purent les achever. Sekhem-Khet, néanmoins, qui voulut imiter Zoser, dont il était sans doute le fils, édifia comme lui une vaste enceinte à redans et, dans le périmètre de celle-ci, au sud de sa pyramide, un second tombeau en forme de mastaba.

C’est probablement au dernier roi de la dynastie, Houni (ou Nysout), qu’il conviendrait d’attribuer la dernière des pyramides à degrés, celle de Meïdoum, à l’entrée du Fayoum. Dans ses deux premiers états elle comporta d’abord sept gradins, puis peut-être huit, et fut transformée finalement en pyramide véritable (fig. 3) sous le règne de Snéfrou, le fondateur de la IVe dynastie. Cet édifice, qui fait la jonction entre les deux types de pyramides égyptiennes, revêt à ce titre une grande importance.

2. Les grandes pyramides de la IVe dynastie

Le roi Snéfrou fit édifier à Dahchour, à quelques kilomètres au sud de Saqqarah, deux très grandes pyramides, la «rhomboïdale» et la pyramide septentrionale, qui à elles deux représentent un cube de pierre d’un volume très nettement supérieur à celui de la grande pyramide de Guizeh, soit plus de 3 000 000 de mètres cubes au lieu de 2 600 000 mètres cubes. La rhomboïdale, construite la première, n’avait certainement pas été initialement prévue sous sa forme finale. Son côté n’aurait eu d’abord que 300 coudées (env. 157 m) de longueur avec une pente plus accusée (580). Par suite d’affaissements constatés dans sa descenderie, on aurait ceinturé le monument par une tranche périphérique d’une quinzaine de mètres d’épaisseur, dont l’inclinaison en parement fut ramenée à 540 30 . Puis, les parois de la chambre supérieure ayant commencé à bomber, de puissants étais y furent disposés, qui ne purent empêcher l’apparition de fissures dans la voûte en encorbellement. On aurait alors décidé de modifier à nouveau la pente pour alléger l’édifice et l’achever au plus vite; à partir d’une cinquantaine de mètres au-dessus du sol, la pente fut, en effet, réduite à 430 22 , la hauteur prévue pour la pyramide se trouvant ainsi abaissée à 102 mètres environ (fig. 4). Mais finalement, on jugea préférable de renoncer à l’utilisation de ce monument pour y ensevelir le roi, et après avoir, peut-être, momentanément envisagé de réemployer pour lui la pyramide de Meïdoum en la transformant en pyramide véritable, on entreprit d’en construire une autre à Dahchour à 1 800 mètres au nord de la première. Adoptant pour cette pyramide septentrionale la pente réduite du tronçon supérieur de la rhomboïdale, on porta la longueur de son côté à 420 coudées, de façon à obtenir sensiblement la même hauteur que dans cette dernière. Un soin particulier fut apporté à la construction des voûtes couvrant les trois hautes salles intérieures, qui ne comportèrent d’encorbellements que sur deux faces et non sur les quatre comme à la rhomboïdale.

Bien qu’aucun vestige de sarcophage n’ait été recueilli dans ces deux pyramides, le fait que des restes humains furent découverts uniquement dans celle du nord paraîtrait indiquer que l’inhumation du roi fut effectuée dans cette dernière. En revanche, il semble que Snéfrou soit mort avant d’avoir pu parachever le temple correspondant à sa nouvelle pyramide et qu’on ait dû se contenter pour son culte funéraire des constructions préparées au complexe de la rhomboïdale; celles-ci comportaient, d’une part, un lieu d’offrandes entre deux gigantesques stèles inscrites au nom du roi et dressées au pied même de la face orientale de la pyramide et, d’autre part, à 700 mètres à l’est dans le désert, mais encore loin de la vallée, un véritable temple avec des bas-reliefs et une cour à piliers précédant une rangée de six niches où auraient été pratiqués le culte des statues et peut-être celui des couronnes. Ce temple compris dans une enceinte était relié, vers l’ouest, à celle de la pyramide par une chaussée privée et, vers l’est, par une voie d’accès, probablement à un temple d’accueil qui resterait à découvrir en lisière de la vallée.

Après Snéfrou, son fils Khéops (ou Khoufou) édifia à Guizeh pour sa tombe la célèbre Grande Pyramide, considérée par les Grecs comme l’une des sept merveilles du monde. Cette pyramide, qui mesurait à la base 440 coudées de côté, soit environ 230 mètres, couvrait à elle seule plus de 5 hectares. Sa hauteur, encore actuellement de 138 mètres, devait être à l’origine à peu près de 146,60 m. Cette hauteur ne put être atteinte par aucun autre édifice durant une période de quatre mille ans, et ce n’est que vers la fin du Moyen Âge que les flèches de certaines cathédrales la dépassèrent de peu. Le volume de cette pyramide (2 600 000 m3) nécessita un nombre fabuleux de pierres, près de six millions de tonnes, qu’il fallut extraire des carrières, transporter à pied d’œuvre, équarrir, hisser sur la pyramide et assembler par assises, avant de pouvoir procéder au ravalement parfait de l’énorme superficie des quatre faces.

Au point de vue qualitatif, l’œuvre n’est pas moins remarquable; l’appareillage des faces de parement, tant à l’intérieur des chambres et des couloirs qu’à l’extérieur de l’édifice, composé de blocs pesant souvent de deux à trois tonnes, reliés par des joints n’excédant pas un demi-millimètre, constitue un véritable tour de force technique.

La disposition des galeries et des trois salles principales de la pyramide, qui semble étrange à première vue, doit s’expliquer par des modifications apportées au plan initial au cours même de la construction, comme on le constate dans plusieurs autres pyramides de cette période. Trois plans auraient été adoptés successivement (fig. 5), l’une des salles principales ayant correspondu dans chacun d’eux au lieu réservé à la sépulture du roi. Quant à la «grande galerie», avec sa voûte en encorbellement parallèle à sa pente, prévue dès le second plan pour entreposer les tampons de granit destinés à bloquer le couloir ascendant, elle n’aurait plus été, dans le plan définitif, où la salle sépulcrale fut transférée au-delà de son aboutissement supérieur, que le lieu de passage obligatoire pour accéder à celle-ci.

Cependant, pour toutes ces raisons, la Grande Pyramide n’a cessé d’intriguer profondément les visiteurs qui donnèrent souvent libre cours à leur imagination pour tenter d’expliquer la raison d’un pareil effort. Dès le IVe siècle de notre ère, Julius Honorius et Rufin se faisaient les échos d’une légende, qui trouvera plus tard place dans la décoration d’une coupole de Saint-Marc de Venise et se perpétuera jusqu’au XVIe siècle, selon laquelle les Grandes Pyramides auraient été les greniers à blé édifiés par Joseph en prévision des sept années de disette; elles seront ainsi fréquemment appelées au Moyen Âge «greniers de Joseph» ou «greniers pharaon». Plusieurs auteurs arabes, d’autre part, attribuèrent à un songe annonçant des cataclysmes et un déluge, songe qu’aurait fait Khéops (appelé par eux Sourid), la cause de la construction des deux grandes pyramides de Guizeh; celles-ci devaient non seulement abriter les corps des rois et leurs trésors, mais encore préserver toutes les connaissances et la science de l’époque, qui y auraient été enregistrées. Cette idée fut reprise dès le début du XIXe siècle par E. F. Jomard, qui estima dans la Description de l’Égypte que la Grande Pyramide n’aurait pas été simplement un tombeau de roi, mais surtout un monument de la science égyptienne, où celle-ci aurait «déposé, peut-être même voulu cacher des résultats importants que la méditation découvre aujourd’hui»; et se fondant sur une évaluation erronée qu’il fit de la valeur de la coudée royale, il assura que la Pyramide était un monument métrique destiné à conserver l’unité des mesures nationales, fraction elle-même de l’unité d’arc géodésique.

C’est à la suite des mesures effectuées à la Grande Pyramide par le professeur Piazzi Smyth, astronome royal d’Écosse, et des commentaires qu’il publia en 1864 et 1867, que les théories fantaisistes plus ou moins extravagantes se multiplièrent. Ce dernier, qui avait tenté de fonder sur des données scientifiques les dates et correspondances prophétiques qu’un théoricien bibliste, John Taylor, prétendait trouver indiquées par les particularités et les mesures des chambres et couloirs de la Pyramide, fit en effet école. Parallèlement à ces théories biblico-mathématiques et divinatoires, d’autres, à caractère ésotérique ou théosophique, tendirent à démontrer que cette pyramide aurait été destinée à des initiations. Divers auteurs, enfin, ont voulu y voir, comme Jomard, un monument métrique et géodésique, voire astronomique, certains allant même jusqu’à l’interpréter comme étant un observatoire. De ce fatras de théories accumulées par cette pseudo-science, qui se pare du nom de «pyramidologie», il n’y a rien à retenir sinon l’orientation extraordinairement précise des pyramides de la IVe dynastie et certaines qualités numériques ou géométriques intéressantes qui y ont été relevées. Il faut, d’autre part, rappeler, à l’encontre de ces théories, que non seulement la pyramide de Khéops contient encore son sarcophage de granit sensiblement en place, mais surtout qu’elle fit très clairement partie, comme les autres, d’un complexe monumental dont l’enceinte, le temple de culte (où des fragments de bas-reliefs au nom du roi ont été recueillis) et la chaussée présentent des traces ou des vestiges indiscutables. En outre, deux grandes barques, probablement destinées aux voyages du roi défunt dans l’au-delà, ont été retrouvées encore enfouies dans leurs caveaux au sud de la pyramide, tandis que, à l’est, de vastes cavités en avaient manifestement contenu trois autres. Enfin, immédiatement au sud-est de l’emplacement du temple, trois petites pyramides s’alignent parallèlement à la grande, chacune possédant sa chapelle de culte adossée à sa face orientale. La plus méridionale fut celle de la reine Henoutsen, la mère de Khéphren, les deux autres ayant été, sans doute, celles des mères respectives du fils aîné Kawab, mort peu avant son père et de Djedef-rê (ou Didoufri) qui prit le pouvoir avant Khéphren. La présence, en ce point, de ces pyramides des reines au pied de celle de Khéops est une preuve de plus qu’elle fut son tombeau.

Djedef-rê choisit le site d’Abou Roash, à huit kilomètres au nord de celui de Guizeh, pour y édifier sa pyramide, mais il ne put l’achever. Le plan intérieur, comprenant une très vaste fosse centrale, fut aussi différent de celui de la pyramide de son père que du plan de celle de son demi-frère Khéphren.

La pyramide de ce dernier, dont le côté mesure une quinzaine de mètres de moins à la base que la Grande Pyramide, atteignait en revanche presque sa hauteur, à quatre mètres près, en raison de sa pente un peu plus accusée (530 8 ). La section méridienne de l’édifice, qui est un triangle sacré (aux côtés proportionnels à 3-4-5, où h = 4), donne en effet cet angle. La pyramide de Khéphren comporte deux descenderies et deux chambres qui semblent, comme à Khéops, avoir correspondu à deux plans successifs de la construction. Le complexe est dans l’ensemble plus monumental, les temples furent plus développés et le granit y fut employé massivement pour la plupart des parements de murs.

Après cette pyramide, il conviendrait de placer la vaste excavation de Zaouiêt el-Aryân conçue sur le même plan que celle de la pyramide d’Abou-Roash et comportant un épais radier de granit dans lequel un curieux caveau de forme elliptique se trouve entaillé. Cette ébauche d’une dernière très grande pyramide de 200 mètres de côté pourrait être attribuée au roi Bikéris, des listes de Manéthon, sans doute un fils de Djedef-rê, disparu peu après son accession au trône.

Mykérinos (ou Menkaourê), fils de Khéphren, qui régna ensuite, construisit la troisième grande pyramide de Guizeh. Mesurant environ 105 mètres (soit 200 coudées) de côté et 66 mètres de hauteur avec une pente de 510 20 , déterminée par le triangle rectangle égyptien où h = 5 et b = 4, cette pyramide eut un volume beaucoup plus réduit que celle de Khéphren: quelque 250 000 mètres cubes au lieu de plus de deux millions. Son revêtement avait été prévu en granit, mais par suite, sans doute, de la maladie puis de la mort prématurée du roi, du calcaire y fut substitué à partir du tiers inférieur. Le plan de l’appartement funéraire, plus complexe que celui de Khéphren, comporte également deux descenderies qui indiquent, là aussi, l’agrandissement du monument et le déplacement de la chambre sépulcrale. Le très beau sarcophage de basalte à décor en façade de palais, que celle-ci contenait encore lorsque le colonel H. Vyse y pénétra en 1837, a malheureusement disparu en mer au cours de son transport à Londres. Trois petites pyramides anonymes, probablement destinées aux reines, sont alignées parallèlement à celle du roi comme à Khéops, mais elles sont situées au sud, et non à l’est. Quant au temple funéraire, qui avait été prévu revêtu de granit, il fut complété en brique crue par Shepseskaf, fils et successeur de Mykérinos.

Shepseskaf, ainsi que son épouse probable Khentkaous, qui semble avoir exercé la régence jusqu’à la fin de la dynastie, renoncèrent, on ne sait pourquoi, à la forme pyramidale pour leurs tombeaux respectifs à Saqqarah et à Guizeh, qu’ils firent construire en forme de gigantesques sarcophages.

3. Les pyramides des Ve et VIe dynasties. Les «Textes des pyramides»

Ouserkaf, le fondateur de la Ve dynastie, qui fut peut-être un fils de Khentkaous et d’un grand-prêtre de Rê, rétablit la forme pyramidale pour la tombe royale, mais il en réduisit notablement les dimensions. Sa pyramide, à Saqqarah, n’atteindra plus que 73,30 m (soit 140 coudées) de côté et moins de 50 mètres de hauteur, sa pente ayant été obtenue comme celle de la pyramide de Khéphren par le triangle 3-4-5. À partir de cette pyramide, le plan de l’appartement funéraire tendra à s’uniformiser: la descenderie, toujours axée sur la face nord, sera généralement construite dans une tranchée en pente dirigée vers une vaste excavation centrale plus ou moins profonde disposée perpendiculairement comme les branches d’un T. C’est là que seront édifiées la salle sépulcrale et l’antichambre qui la précède vers l’est, l’une et l’autre étant couvertes par trois couches successives d’énormes dalles disposées en chevrons. Quant à la descenderie, après avoir atteint le niveau requis dans un vestibule, elle se prolongera au-delà par un couloir horizontal recoupé par une ou plusieurs herses et parfois par un accès à quelques pièces secondaires, comme on le voit sur la figure 8.

La pyramide d’Ouserkaf, très éboulée, offre l’originalité d’avoir la majeure partie de son temple de culte disposée non pas à l’est, mais sur sa face méridionale. Il ne subsiste plus en place dans ce temple que de nombreux éléments de dallage de basalte et quelques seuils de granit, mais une magnifique tête colossale du roi, en granit, et de beaux fragments de bas-reliefs y furent recueillis.

Les quatre successeurs directs d’Ouserkaf édifièrent leurs pyramides sur le site d’Abousir (fig. 6), à trois kilomètres au nord de Saqqarah. Les dimensions de leurs pyramides s’accroîtront jusqu’à celle de Neferirkarê qui atteindra, comme pour Mykérinos, 200 coudées de côté, longueur qui se réduira ensuite à 160 pour celle de Néouserrê. Dans les temples annexes, un très large emploi fut fait des meilleures pierres dures: basalte pour les dallages, granit rose ou bleuté pour les soubassements des principaux murs, pour les colonnes et architraves des portiques, ainsi que pour les seuils, jambages et linteaux des portes. Les colonnes sont palmiformes, ou papyriformes fasciculées; enfin, ce qui nous est parvenu des bas-reliefs qui couvraient les parois des salles principales et des chaussées couvertes compte parmi les plus belles réussites de l’art égyptien.

Quant aux rois de la fin de la dynastie, ils établirent à nouveau leurs pyramides à Saqqarah. Celles des deux derniers, Issési-Djedkarê et Ounas, se présentent sous la forme de collines recouvertes de sable. Celle d’Ounas est la plus petite des pyramides de l’Ancien Empire, la longueur de son côté n’atteignant que 110 coudées; mais grâce à une pente plus raide (560 19 ) obtenue par l’emploi du triangle rectangle où h = 3 et b = 2, la hauteur y dépassa 43 mètres. Si les colonnes palmiformes qui ornent les temples de ces deux pyramides sont encore généralement en granit rose, on ne fait plus les soubassements avec cette matière, et l’albâtre remplace le basalte pour les dallages des principales cours et salles. Quant aux bas-reliefs, ils sont toujours de style excellent, et le nombre des scènes dut être particulièrement important au complexe d’Ounas en raison de la longueur (750 m environ) de la chaussée couverte.

C’est, enfin, dans cette pyramide d’Ounas qu’apparaissent pour la première fois les «Textes des pyramides» gravés sur les parois des deux salles centrales. Il s’agit de textes de caractère rituel et religieux, devant agir par la puissance magique des mots écrits, que le clergé d’Héliopolis mit à la disposition du roi défunt pour l’aider à triompher de tous les obstacles de l’au-delà. On peut diviser ces textes en trois catégories: des formules d’offrandes; des formules magiques procédant des rites osiriens et destinées à vaincre les lois naturelles et à écarter les influences mauvaises; et, surtout, d’innombrables invocations ou allusions mythologiques, qui se rattachent soit à la légende d’Osiris, soit au cycle solaire plus ou moins harmonisé avec d’anciennes doctrines stellaires. Par ces textes, l’odyssée du roi après sa mort est en quelque sorte tracée, se terminant en véritable apothéose auprès de Rê, auquel il va se trouver désormais étroitement associé.

Les mêmes textes, avec certaines variantes et de nombreuses additions, se retrouvent à Saqqarah dans les quatre pyramides des rois de la VIe dynastie, ainsi que dans celles des trois reines de Pépi II, et enfin dans la très petite pyramide d’Ibi ou Aba, roi probablement de la VIIIe dynastie, durant la Première Période intermédiaire.

Les quatre pyramides royales connues de la VIe dynastie (environ 2350-2200 av. J.-C.) eurent toutes les mêmes dimensions, soit 150 coudées (environ 78,50 m) de côté, et 100 coudées (52,40 m) de hauteur, proportion obtenue au moyen du triangle 3-4-5. Leurs appartements funéraires sont tous disposés sur un plan similaire (fig. 8), qui paraît avoir été fixé dès Issési-Djedkarê sous la Ve dynastie: le couloir d’accès est alors recoupé par trois herses successives en granit, et l’antichambre, qui donne accès à la salle sépulcrale vers l’ouest, ouvre vers l’est sur une chambre plus petite où deux murs en épis constituent trois niches, peut-être destinées à recevoir des statues. De même, les plans de leurs temples, et surtout de la partie intime où se rendait le culte funéraire, s’uniformisent (fig. 7). Les bas-reliefs retrouvés principalement à Pépi II sont encore de style excellent; un large emploi de l’albâtre est à noter pour les dallages des salles et des cours principales, mais la quartzite tend à se substituer au granit pour les seuils et parfois pour les jambages et linteaux de portes; enfin, les belles colonnes des portiques de la Ve dynastie sont remplacées ici par des piliers de granit ou de quartzite.

4. Construction, orientation et géométrie

En ce qui concerne la construction des pyramides, deux thèses s’affrontèrent dès l’Antiquité. Selon l’une, rapportée par Hérodote (II, CXXV), on se serait servi de «machines faites de morceaux de bois courts», par lesquelles les blocs auraient été élevés de gradin en gradin. D’après une autre hypothèse exprimée par Diodore de Sicile (I, LXIII, 6-9), les Égyptiens n’ayant, au contraire, pas disposé de machines utilisèrent des levées de terre. C’est à cette seconde thèse qu’il convient de se ranger, aucun document n’ayant livré la moindre indication sur l’emploi de machines de bois, alors que les vestiges de rampes ont été souvent relevés dans les monuments égyptiens et que des scènes de bas-reliefs indiquent que les transports de blocs de pierre, même des plus gros monolithes, se faisaient toujours sur traîneaux. Ceux-ci étaient tirés par des hommes jusqu’au Nil où, chargés sur des chalands, ils étaient acheminés par des canaux jusqu’au débarcadère aménagé à proximité du chantier; des pistes de terre argileuse permettaient alors de haler les traîneaux jusqu’au monument. Là, dans le cas des pyramides, où la masse de matériaux à mettre en œuvre décroît rapidement à chaque assise, au fur et à mesure de l’élévation, il dut être nécessaire d’employer des rampes à très large voie initiale; tandis que celles-ci s’exhaussaient peu à peu en s’allongeant, leur largeur se réduisait proportionnellement. La rampe faite de brique crue et de terre argileuse pouvait être unique et, selon les dimensions de la pyramide, atteindre ou non, à la base, la totalité de la longueur d’un côté; elle aurait été dirigée, en fonction de la topographie des lieux, perpendiculairement ou en oblique par rapport au côté de l’édifice. Enfin, tout autour de ce dernier, une plate-forme d’environ deux mètres de largeur devait être montée en même temps que chaque assise pour permettre les manœuvres de mise en place des blocs de parement. La pyramide en cours de construction devait ainsi se trouver entièrement revêtue de briques crues qui n’étaient enlevées qu’après la pose du pyramidion et au fur et à mesure du ravalement des faces, commencé à partir du sommet.

En ce qui concerne l’orientation, l’extrême précision de celle des grandes pyramides de la IVe dynastie constitue un fait particulièrement remarquable. Dès la rhomboïdale de Snéfrou, l’orientation moyenne des deux côtés est et ouest est de 9 12 à l’ouest du nord. Le maximum d’exactitude sera atteint peu après, à la pyramide de Khéops où l’écart moyen se réduit à 4 . À Khéphren, celui-ci n’est guère moindre: 5 32 , toujours vers l’ouest. À Mykérinos, enfin, la déviation légèrement supérieure est de 14 3 , et cette fois vers l’est.

De pareils résultats n’ont pu être obtenus qu’astronomiquement. Il convient d’écarter l’emploi des ombres du Soleil, qui, selon l’astronome tchécoslovaque B. Polak, n’aurait pas été suffisamment précis, même au moment des équinoxes. Les méthodes les plus probablement utilisées seraient soit des visées directes sur la Polaire, soit le tracé de la bissectrice de l’angle formé par les visées sur les lever et coucher d’une étoile sur l’horizon naturel ou un horizon artificiel, ou encore sur les positions extrêmes d’une étoile circumpolaire. Cependant, à l’époque de la construction des grandes pyramides, entre 2620 et 2500 avant J.-C., les prêtres-astronomes durent bien remarquer l’étoile 見 du Dragon, qui était la seule à paraître immobile, étant alors entre un et deux degrés du pôle, et c’est donc vraisemblablement sur elle qu’ils effectuèrent leurs visées. Les faibles écarts d’orientation donnés ci-dessus trouveraient leur explication dans le fait que le très petit cercle décrit par cette polaire autour du pôle n’ayant sans doute pas encore été décelé, les visées tombaient sur elle à n’importe quel point de son parcours: plus 見 du Dragon était proche de l’une de ses culminations, plus l’orientation était précise. Le hasard pouvait ainsi jouer sur quelques minutes d’arc.

Vers 2300 avant notre ère, 見 du Dragon se trouvant déjà à quelque 50 du pôle, les visées effectuées sur elle donnèrent des directions de plus en plus divergentes, et l’on constate en effet que l’orientation des pyramides sous la VIe dynastie devient en général beaucoup moins précise. La nécessité de recourir à un autre procédé dut alors se faire sentir peu à peu, et c’est sans doute à partir du Moyen Empire, lorsque le ciel boréal ne comporta plus de polaire, qu’on aurait eu recours à l’une des autres méthodes précitées.

Au point de vue de ses proportions géométriques, la Grande Pyramide présente certaines qualités également remarquables, souvent évoquées, telles les deux valeurs 神 et 﨏 (le nombre d’or). On trouve en particulier la première dans le rapport de la hauteur h au demi-périmètre de base p , soit h/p = 22/7 = 3,1428, nombre très voisin de 神 = 3,1416, et la seconde dans le rapport de l’apothème x à la demi-base b , soit x/b = 8,9023/5,5 = 1,618, qui est égal à (1 + 連5)/2, exactement le fameux nombre d’or.

Mais ces qualités, inhérentes à toute pyramide dont la pente h/b = 14/11 correspond à un angle d’inclinaison de 510 50 35 , ne sont pas particulières à la seule pyramide de Khéops, contrairement à ce qu’assurent certains «pyramidologues»: avant le règne de ce roi, elles se trouvaient déjà au revêtement final de la pyramide de Meïdoum initialement conçue comme une pyramide à degrés (fig. 3). Dans celle-ci, la pente des faces des gradins était de 7/2 et la proportion entre la hauteur d’un gradin et sa largeur, de 2/1, c’est-à-dire 7/3,5. La ligne joignant les sommets de deux de ces gradins successifs (fig. 9) aura la pente h/b = 7/(2 + 3,5) = 7/5,5, c’est-à-dire la pente 14/11. Nous avons ainsi la preuve évidente que celle-ci a résulté directement de la proportion même du profil des grandes pyramides à degrés de la IIIe dynastie. Rien n’autorise par conséquent à prétendre que l’architecte de Khéops ait eu, plus que celui de la pyramide de Meïdoum, conscience des rapports 神 ou 﨏 recélés dans le profil adopté. Il s’agissait avant tout, pour la construction d’une pyramide, de choisir la pente qui allait déterminer sa forme et correspondre à l’hypoténuse x du triangle de la demi-section méridienne de l’édifice. Il convenait donc de fixer les proportions de ce triangle en cherchant à établir entre les deux côtés de l’angle droit h et b un rapport simple qui pût rendre aisée la confection des nombreuses équerres nécessaires au contrôle permanent de la pente. C’est ce que démontre clairement l’examen des angles de pente adoptés pour les principales autres pyramides, où l’on relèvera pour h/b les rapports 7/5, 5/4, 4/3 ou 3/2 et, aux petites pyramides satellites à pente beaucoup plus raide, celui de 2/1.

Diverses autres particularités géométriques intéressantes peuvent être relevées dans la Grande Pyramide; on citera les deux principales qui apparaissent, en revanche, comme intentionnelles. D’une part, la «chambre du roi» fut placée au niveau où la surface de la pyramide est la moitié de celle de sa base; il s’agit là d’une application de la propriété de la diagonale d’un carré d’égaler la longueur du côté du carré de surface double.

D’autre part, pour contrôler la parfaite verticalité des parois de cette salle sépulcrale, dont le plan est un double carré, tout en déterminant sa hauteur, il fut fait usage de triangles sacrés 3-4-5. Les côtés 4 correspondant aux bases des longues parois de la salle et les côtés 3 aux diagonales des petites parois dont ils fixèrent la hauteur; les hypoténuses, c’est-à-dire les côtés 5, donnèrent les diagonales du parallélépipède rectangle recherché comme volume pour cette salle (fig. 10).

5. Les pyramides du Moyen Empire

Mise à part la petite pyramide d’Ibi citée ci-dessus, les tombes des nombreux rois qui régnèrent souvent concurremment au cours de la Première Période intermédiaire restent à découvrir, et c’est seulement vers la fin de cette époque troublée qu’apparaîtront quelques vestiges des complexes funéraires des rois Antef, du début de la XIe dynastie, à Thèbes, à l’est de la colline de Drah Aboul-Naga; dans deux de ces ensembles, l’existence d’une petite pyramide de brique crue a été relevée. Mais ce n’est que pour le successeur de ces rois, Mentouhotep, le réunificateur de l’Égypte, qu’un remarquable monument funéraire en pierre de taille sera enfin érigé non loin de là, à Deir el-Bahari, au pied de la montagne thébaine. Une pyramide fort différente de celles de l’Ancien Empire aurait constitué ici le simple couronnement d’un noyau central massif de plus d’une vingtaine de mètres de côté, autour duquel s’étagent deux terrasses rectangulaires et concentriques supportées chacune par de vastes portiques à plusieurs rangées de piliers carrés ou de colonnes octogonales (fig. 11); les parois limitant ces portiques étaient couvertes de bas-reliefs aujourd’hui presque totalement disparus. Pour l’appartement funéraire, là encore, semble-t-il, deux plans furent successivement prévus. L’entrée du premier, dénommée Bab el-Hosân, «la porte du cheval», se trouve à 142 mètres du centre de la pyramide, dans la vaste avant-cour. Un long couloir voûté souterrain s’enfonce de là jusqu’à une chambre spacieuse située à une grande profondeur sous la pyramide, et dans laquelle gisait une curieuse statue du roi en tenue de heb-Sed , de couleur noire et enveloppée dans une étoffe de lin. Cette chambre paraît ainsi n’avoir été utilisée que comme cénotaphe, peut-être en liaison avec cette cérémonie. Le second dispositif comporte une galerie voûtée encore plus longue qui, partant derrière le monument dans une cour péristyle au niveau de la première terrasse, pénètre en ligne droite dans la montagne pour aboutir à la chambre sépulcrale. Celle-ci, parementée de granit, contient une chapelle en albâtre et granit où aurait été déposé le cercueil royal.

Peu après, le fondateur de la XIIe dynastie, Amenemhat Ier (env. 2000-1970 av. J.-C.), quoique adepte du culte d’Amon à Thèbes, transféra sa capitale dans la région memphite; il édifia sa pyramide à Licht, à une trentaine de kilomètres au sud de Saqqarah, et son fils, Sésostris Ier, y construisit également la sienne. Le complexe funéraire de ce dernier présentait les plus grandes analogies avec ceux de la VIe dynastie et, en particulier, le plan du temple intime adossé à la pyramide demeurait le même. Quant aux appartements funéraires de ces deux pyramides, on y accédait toujours à partir de leur face nord par une descenderie axiale; mais la remontée du niveau de la nappe phréatique n’a pas permis d’atteindre leurs chambres sépulcrales, plus profondément enfouies que sous la VIe dynastie, et de savoir si les parois de celles-ci étaient encore gravées de textes. On constate néanmoins, à la pyramide suivante, celle d’Amenemhat II à Dahchour, que la chambre sépulcrale conçue sur un plan nouveau est anépigraphe.

À partir de Sésostris II, fils du précédent, qui édifia sa pyramide à El-Lahoun, à l’entrée du Fayoum, d’importantes modifications seront apportées aux plans des appartements funéraires. Réalisant enfin le danger qu’il y avait pour la sécurité de la tombe à situer invariablement l’entrée au même point sur l’axe de la face nord de la pyramide, les architectes de ce roi dissimulèrent le départ du couloir d’accès au fonds d’un puits de douze mètres creusé au contraire au sud du monument et à l’est de son axe nord-sud. Il en sera de même aux pyramides suivantes, à Dahchour et à Hawara, où les entrées furent rejetées indifféremment à l’extérieur des côtés est, ouest ou sud, et toujours en dehors des axes de ces édifices.

D’autre part, le souci d’égarer les violateurs éventuels apparaît alors clairement: longs couloirs ne conduisant à rien, d’autres aboutissant à de faux caveaux au-delà desquels ils se prolongent à des niveaux différents, d’autres encore changeant à diverses reprises inopinément de direction, enfin multiplication de branchements de petits couloirs et chambrettes inutiles. À la pyramide de Sésostris III, cependant, c’est surtout par la situation très excentrique de l’appartement et du caveau dans sa partie nord-ouest que l’on semble avoir cherché à assurer l’inviolabilité.

À la seconde pyramide d’Amenemhat III, celle de Hawara, un système de herses très épaisses glissant latéralement dans le plafond, et surtout un nouveau type de chambre sépulcrale furent mis au point. Il s’agit là d’un vaste caveau de 7 mètres sur 2,50 mètres taillé dans un gigantesque monolithe de quartzite pesant plus de cent tonnes. Ce caveau, disposé dans une excavation revêtue d’épais murs de calcaire, était couvert par trois énormes dalles également en quartzite, dont la dernière, vers l’antichambre, était laissée soulevée sur des piles provisoires jusqu’aux funérailles. Après quoi, deux forts supports rectangulaires engagés dans des gaines latérales, aménagées dans la maçonnerie attenante et remplies aux trois quarts de sable, prenaient en charge la dalle de quartzite, qui s’enfonçait alors doucement au fur et à mesure que le sable s’évacuait par la pression après déblocage simultané des ouvertures ménagées à la base des deux gaines où l’on accédait par des puits à partir de l’antichambre (voir la figure 12 qui montre un dispositif semblable). Le caveau contenait le sarcophage royal, disposé sur un socle orné de redans, ainsi que la caisse à canopes. Au-dessus du caveau, deux rangées opposées de blocs disposées en V renversé constituaient une décharge sous le massif de brique crue de la pyramide, où trois assises fortement arquées formaient une seconde décharge.

Le même système de herses et de caveau se retrouvera ensuite sous l’une des deux pyramides de Mazghuna, près de Dahchour, qui fut probablement la tombe d’Amenemhat IV, puis encore sous la XIIIe dynastie à Saqqarah à la pyramide de Khenzer et à celle d’un de ses successeurs demeurée inachevée, où le dispositif du caveau parvint au maximum d’ampleur et de perfectionnement (fig. 12): la cuve monolithique en quartzite avec sarcophage et coffre à canopes réservés dans la masse y atteint 150 tonnes et la dalle de fermeture, à abaisser, quelque 70 tonnes!

Puis, sans doute devant la constatation, faite après les temps troublés de la Seconde Période intermédiaire, qu’en dépit d’aussi extraordinaires précautions, les pyramides furent néanmoins violées, les pharaons renoncèrent définitivement à se faire enterrer sous des monuments aussi ostentatoires.

Les pyramides du Moyen Empire eurent généralement des dimensions supérieures à celles qui avaient été adoptées lors de la construction des pyramides de la VIe dynastie. Dès la première, celle d’Amenemhat Ier, la longueur du côté fut portée à 170 coudées, et les suivantes atteignirent toutes 200 coudées de côté, comme à Mykérinos, sauf celle d’Amenemhat II, qui n’eut que la moitié de cette longueur. À la fin de la XIIe dynastie, aux deux pyramides de Mazghouna, les dimensions se réduisirent sensiblement, et à la XIIIe dynastie, celle du roi Khendjer ne mesurera plus qu’une centaine de coudées de côté; néanmoins, la pyramide voisine, anonyme et inachevée, aurait dû atteindre 180 coudées.

Quant à la pente de ces pyramides, elle fut, pour certaines au moins, plus accusée qu’auparavant: 560 environ ont été relévés sur des blocs provenant des parements de celles de Sésostris III et d’Amenemhat III à Dahchour, correspondant apparemment à la pente 3/2 utilisée sous l’Ancien Empire à la plus petite pyramide royale, celle d’Ounas.

Enfin, la structure même des massifs des pyramides se transformera profondément au cours du Moyen Empire. On imagina à celle de Sésostris Ier, un système de murs rayonnants se croisant au centre de l’édifice avec des murs secondaires branchés en nervures perpendiculairement à ses côtés, les compartiments ainsi constitués étant bourrés de déchets de taille de pierre, de terre et de sable, et le tout étant revêtu d’un épais et magnifique revêtement de calcaire de Tourah. À la pyramide de Sésostris II, seule la partie inférieure des murs rayonnants et de leurs nervures fut encore en pierre; leur partie supérieure ainsi que le remplissage des compartiments furent traités en brique crue. Puis, à partir de Sésostris III, ce système fut abandonné et tout le massif fut édifié en briques crues disposées par assises continues, le revêtement restant toujours en pierre de taille.

6. Les dernières pyramides

En plus des deux pyramides de la XIIIe dynastie déjà citées, une seule autre, au massif de brique crue presque rasé (de 100 coudées de côté), située à environ un kilomètre au sud de celle d’Amenemhat III à Dahchour, est attribuable à l’un des nombreux rois de la IIe Période intermédiaire; portant le nom d’Ameny ‘Aamou (l’Asiatique), ce roi serait peut-être l’un de ces Hyksos (XVe-XVIe dynasties) qui dominèrent le nord du pays, tandis que, à Thèbes, les souverains de la XVIIe dynastie contrôlaient toujours la Haute-Égypte. Ahmosis, le dernier de ceux-ci, qui, après avoir réunifié l’Égypte vers 1580 avant J.-C., devint le fondateur de la XVIIIe dynastie, édifia à Abydos un cénotaphe en forme de pyramide, mais sa tombe même n’a pas été retrouvée. Son fils, Aménophis Ier, édifia la sienne dans la nécropole thébaine à Dra Aboul-Naga; ce complexe funéraire, très ruiné et probablement assez analogue à ceux des rois Antef, pourrait avoir comporté comme eux une petite pyramide à base étroite et pente accusée. Après ces deux rois, Thoutmosis Ier (1530-1520 av. J.-C.) décida de creuser sa tombe dans la falaise du cirque où prend naissance ce qui allait devenir la célèbre Vallée des rois, lieu dominé par une cime culminante, précisément en forme de pyramide. Tous les rois du Nouvel Empire viendront dès lors creuser leurs hypogées à la base des flancs de cette pyramide naturelle, se contentant d’édifier dans la plaine de Thèbes leurs temples de culte funéraire.

Pourtant, si la pyramide construite disparaît ainsi de l’architecture funéraire royale, elle s’implante au contraire comme symbole de protection solaire dans les tombes privées. Dès le Moyen Empire, à Abydos, des caveaux voûtés en encorbellement avaient été aménagés à l’intérieur de petites pyramides de brique crue. Mais ce sera surtout à partir du Nouvel Empire, et jusqu’à l’époque romaine, que les tombes en forme de maisons souvent à portiques comporteront sur leur terrasse une pyramide en brique crue à forte pente, couronnée par un pyramidion de pierre gravé, représentant parfois le propriétaire adorant le dieu-Soleil. Les meilleurs exemples de ces tombes ont été découverts à Deir el-Medineh, dans la nécropole thébaine (fig. 13).

D’autre part, quelque huit siècles après la construction de la dernière pyramide royale à Thèbes, la conquête de l’Égypte entreprise par les souverains de Napata, au Soudan, fut réalisée par l’un deux, Piankhy, le fondateur de la XXVe dynastie (715 av. J.-C.). Ce dernier revint alors à la forme pyramidale pour sa tombe, qu’il édifia en pierre, à El-Kurrut, nécropole de ses prédécesseurs près de Napata. Cette pyramide, aujourd’hui démantelée, n’aurait mesuré qu’une douzaine de mètres de côté, mais aurait présenté une forte pente, d’environ 680; elle surmontait un caveau creusé dans le sol et voûté en encorbellement, auquel conduisait un escalier venant de l’est. Les successeurs de Piankhy construisirent là des pyramides analogues, mais avec caveau souterrain; puis Taharqa, dernier Koushite ayant régné sur l’Égypte (690-667 av. J.-C.), édifia sa pyramide, la plus grande de Nubie (45 m environ) à Nuri, à 30 kilomètres en amont. Durant deux siècles, les rois de Koush y dressèrent encore les leurs, plus modestes, malgré le transfert de la capitale, après la défaite d’Aspalta en 591, plus au sud, à Méroë où près d’une cinquantaine de pyramides royales furent édifiées jusqu’à l’anéantissement du royaume de Méroë par les Axoumites vers 350 après J.-C. Par ailleurs, dans diverses nécropoles de cette période méroïtique (comme à Sedeinga), des pyramides en briques crues surmonteront souvent des tombes de notables.

Quant aux pyramides d’Amérique centrale ou du Mexique, ainsi appelées par analogie, elles ont été érigées au cours des civilisations maya et aztèque du IVe au XVIe siècle de notre ère. Il s’agit d’édifices en gradins ou, parfois, en forme de tronc de pyramide, le plus souvent sur plans carrés ou légèrement oblongs, comportant un ou plusieurs grands escaliers droits plaqués en façade, qui conduisaient au sanctuaire disposé au sommet. Elles furent donc essentiellement les énormes soubassements de temples surélevés; elles présentent dans leur conception beaucoup plus de points communs avec les ziggourats d’Orient qu’avec les pyramides d’Égypte, qui étaient, au contraire, les gigantesques superstructures de tombes royales que l’on n’avait plus à gravir.

pyramide [ piramid ] n. f.
• 1165; lat. d'o. gr. pyramis, idis
1Grand monument à base quadrangulaire et quatre faces triangulaires, qui servait de tombeau aux pharaons d'Égypte. La pyramide de Chéops. « Soldats, songez que, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent » (Bonaparte). Monument moderne de même forme. La pyramide du Louvre.
Grande construction pyramidale qui servait de base à un temple, dans le Mexique précolombien. téocalli. La pyramide du Soleil.
2(1361) Polyèdre qui a pour base un polygone quelconque et pour faces latérales des triangles possédant un sommet commun formant une pointe. Pyramide à base triangulaire. tétraèdre. Pyramide quadrangulaire, dont la base est un quadrilatère. Pyramide régulière, dont la base est un polygone régulier et dont la hauteur (dite axe dans ce cas) passe par le centre de la base. Tronc de pyramide. cône.
Anat. Pyramides rénales, pyramides de Malpighi : masses coniques constituant la substance médullaire des reins.
3Tas d'objets qui repose sur une large base et s'élève en s'amincissant. « les pyramides d'oranges et de melons » (Larbaud). « Il faut réunir le bois en pyramide et laisser un peu d'air dessous » (Mac Orlan).
(XVIIIe) Peint. Disposition pyramidale des éléments du tableau.
Représentation graphique verticale d'un phénomène hiérarchisé, où les éléments se raréfient vers le sommet. La pyramide des âges, des salaires.

pyramide nom féminin (latin pyramis, -idis, du grec puramis, -idos) Grande construction à base quadrangulaire et à quatre faces triangulaires, se terminant en pointe, qui servait de monument funéraire dans l'Égypte pharaonique. Exhaussement supportant le temple dans le Mexique précolombien. Construction, objet en forme de pyramide. Entassement d'objets sur une base large et dont le sommet est une pointe : Pyramide de fruits. Représentation graphique ou conceptuelle d'un ensemble hiérarchisé comportant des éléments nombreux à la base et de plus en plus rares vers le sommet : Pyramide des salaires. Pyramide des âges. Anatomie Nom donné à plusieurs éléments anatomiques. Mathématiques Polyèdre formé d'un polygone convexe plan (appelé base) et de tous les triangles ayant respectivement pour base les côtés du polygone et un sommet commun (appelé sommet de la pyramide). Solide limité par la surface précédente. ● pyramide (citations) nom féminin (latin pyramis, -idis, du grec puramis, -idos) Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Soldats, songez que, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent. Commentaire Cette phrase n'est mentionnée dans aucun document contemporain de la campagne d'Égypte. Une Histoire de Bonaparte, anonyme, parue en 1803, est la première à la citer. Napoléon, trouvant la formule heureuse, la prit plus tard à son compte. ● pyramide (expressions) nom féminin (latin pyramis, -idis, du grec puramis, -idos) Pyramide de la caisse du tympan, petite saillie de la caisse du tympan, contenant le muscle de l'étrier. Pyramide de Lalouette, prolongement inconstant que présente le bord supérieur de l'isthme du corps thyroïde. Pyramides de Malpighi et pyramides de Ferrein, zone triangulaire que présente à la section le parenchyme rénal. Pyramide visuelle, en perspective classique, espace visuel défini par le point de vue et le plan figuratif. (Le plan figuratif constitue la base de la pyramide ; le point de vue, son sommet ; le rayon visuel principal, son axe.) Pyramide alimentaire, représentation exprimant les rapports numériques entre les divers constituants d'une chaîne alimentaire du point de vue du nombre des individus, de la masse ou du rendement énergétique. Textes des pyramides, textes formés d'hiéroglyphes sculptés dans les chambres funéraires des souverains égyptiens de la Ve et de la VIe dynastie. (Ils étaient destinés à donner les moyens magiques de la survie.) Pyramide régulière, pyramide dont la base est un polygone régulier et dont le sommet a sa projection orthogonale égale au centre de celui-ci.

pyramide
n. f.
d1./d ANTIQ Monument à quatre faces triangulaires et à base quadrangulaire qui servait de tombeau aux pharaons d'égypte. La pyramide de Chéops.
Par ext. Tout monument ayant cette forme. Les pyramides des Aztèques.
d2./d GEOM Solide qui a pour base un polygone et pour faces latérales des triangles dont les sommets se réunissent en un même point.
d3./d Entassement en forme de pyramide. Pyramide de fruits.
|| Pyramide des âges: représentation graphique de la répartition par classes d'âge d'une population donnée.
d4./d ANAT Pyramide de Malpighi: petit faisceau conique de tubes urinifères situé dans le rein.
Encycl. Archi. - Lieu de sépulture abritant les sarcophages de la famille royale, la pyramide égyptienne était érigée à l'intérieur d'un ensemble architectural composé d'une enceinte, de plusieurs monuments et de temples funéraires annexes. Elle est surtout caractéristique de l'Ancien Empire (IIIe-VIe dynastie, 2780-2380 av. J.-C.). C'est à Gizeh, à 8 km du Caire, que se dressent les trois pyramides les plus célèbres: celle du roi Chéops (ou Grande Pyramide, une des Sept Merveilles du monde; elle a auj. 138 m de haut, 227 m de côté), puis celles de Chéphren et de Mykérinos. C'est à Saqqarah que l'on trouve la plus anc., la pyramide à degrés du roi Djoser (IIIe dynastie). De nombreux peuples précolombiens ont également édifié des pyramides, notamment les Mayas.

⇒PYRAMIDE, subst. fém.
A. — ARCHÉOLOGIE
[Dans l'anc. Égypte] Grand monument à base rectangulaire et à quatre faces triangulaires se terminant en pointe qui servait de tombeau aux pharaons. Pyramide à degrés; les pyramides de Gizèh. La bataille des pyramides. Donc, hissé par devant, aidé par derrière, j'arrivai fort essoufflé, au bout d'un quart d'heure, sur la plate-forme qui termine la pyramide de Chéops. Cette plate-forme a trente-neuf mètres trente centimètres de tour, et, vu d'en bas, le sommet semble aigu (DU CAMP, Nil, 1854, p. 66). 18 février. — Brumaire. Est-il bien vrai que le Bonaparte de ce coup d'état est si loin de ressembler à celui de Rivoli ou des pyramides? (BLOY, Journal, 1907, p. 338):
1. « ... Mais pensez à ces millions de malheureux dont les guerriers et les prêtres ont fait des bêtes de somme! et pourquoi? par vanité imbécile! » Il regardait avec hostilité ces pyramides qui jadis s'élançaient vers le soleil et qui nous semblaient aujourd'hui accabler la terre; je ne partageais pas sa colère, peut-être parce que jamais je n'avais eu à suer pour manger et parce que tout ce malheur était trop ancien.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 427.
[Dans d'autres civilisations] Monument de forme semblable, parfois à plusieurs niveaux ou étages, servant de tombeau royal ou de temple. Pyramide pré-colombienne; les pyramides du Mexique, du Pérou. C'est à Palenque que se trouve la seule véritable crypte connue en Amérique précolombienne. Construite sous une pyramide, sa découverte, en 1952, a remis en question l'opinion jusque-là admise selon laquelle la pyramide américaine n'est pas un monument funéraire, mais simplement la base d'un temple (Encyclop. univ. t. 10 1971, p. 643).
P. métaph. Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans (...). Cache moins de secrets que mon triste cerveau. C'est une pyramide, un immense caveau, Qui contient plus de morts que la fosse commune (BAUDEL., Fl. du Mal, 1857, p. 115). Charade à ceux qui vont mourir Égypte noire Sans pharaon qu'on puisse implorer à genoux Profil terrible de la guerre Où sommes-nous Terrils terrils ô pyramides sans mémoire est-ce Hénin-Liétard ou Noyelles-Godault Courrières-les-Morts Montigny-en-Gohelle Noms de grisou Puits de fureur Terres cruelles Qui portent çà et là des veuves sur leurs dos (ARAGON, Crève-cœur, 1941, p. 47).
B. — GÉOM. ,,Polyèdre dont les faces latérales sont des triangles ayant le même sommet et dont la base est un polygone quelconque`` (BÉG. Dessin 1978).
Pyramide régulière. Pyramide dont la base est un polygone régulier et dont la hauteur passe par le centre de cette base. Une pyramide régulière est celle qui a pour base un polygone régulier et dont la hauteur tombe au centre de la base (HADAMARD, Géom. ds espace, 1921, p. 69).
Tronc de pyramide ou pyramide tronquée. Portion de pyramide comprise entre la base et un plan coupant toutes les surfaces latérales. On appelle tronc de pyramide (...) la portion d'une pyramide comprise entre la base et une section parallèle à la base (HADAMARD, Géom. ds espace, 1921, p. 87).
C. — P. anal.
1. En (forme de) pyramide. V. pyramidal. Il aperçut, à la clarté de plusieurs lampes d'or et d'argent, la statue de Jagrenat, la septième incarnation de Brama, en forme de pyramide, sans pieds et sans mains, qu'il avait perdus en voulant porter le monde pour le sauver (BERN. DE ST-P., Chaum. ind., 1791, p. 80). Tantôt elles portoient leurs cheveux ras, lissés sur le front, et recouverts d'un petit bonnet entrelacé de rubans; tantôt elles le bâtissoient en pyramide haute de trois pieds (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t. 3, 1831, p. 444). Derrière la porte, à gauche, se dressait le fourneau de fonte en pyramide, et sur la table se trouvaient cinq ou six petits gobelets et la cruche de grès à fleurs bleues (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 45).
2. ANAT. Toute structure rappelant par sa forme une pyramide:
2. ... il paroît que la portion de cette masse qui fut productrice des autres est réellement la moelle allongée; car c'est de cette portion que partent les appendices médullaires (les jambes et les pyramides) du cervelet et du cerveau, la moelle épinière, enfin, les nerfs des sens particuliers.
LAMARCK., Philos. zool., t. 2, 1809, p. 197.
Pyramide antérieure du bulbe. ,,Chacun des deux cordons blancs de la face antérieure du bulbe rachidien qui, de chaque côté du sillon médian antérieur, paraissent prolonger les cordons antérieurs de la moelle`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Pyramides postérieures. ,,Reliefs de chacun des deux faisceaux graciles au niveau du bulbe supérieur`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
Pyramide de la caisse du tympan. ,,Petite saillie conique de la paroi postérieure (ou mastoïdienne) de la caisse du tympan`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
Pyramides de Malpighi. ,,Huit à dix masses coniques formant la substance médullaire du rein`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
D. — P. ext. Entassement d'objets reposant sur une base assez large et se terminant en pointe. Ces corbeilles contenaient deux pyramides de fruits magnifiques (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 398). Conduit par les religieux du couvent de Jaffa dans les sables au sud-ouest de la ville, j'ai fait le tour de la tombe, jadis monceau de cadavres, aujourd'hui pyramide d'ossements (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 351):
3. Il hâta le pas et emmena Durtal, en bas, dans le cloître, mais là encore, il se cogna contre des casiers, contre des pyramides d'objets hétéroclites descendus des greniers et déposés sous les arcades, en attendant qu'on les emballât.
HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 209.
En partic.
DÉMOGR. Pyramide (des âges). Représentation graphique de la répartition des âges dans une population pour chacun des deux sexes:
4. Les pyramides sont dissymétriques en raison, d'une part, du taux de masculinité à la naissance qui est toujours supérieur à 0,5 (0,515 en France) et, d'autre part, de la surmortalité masculine plus ou moins élevée: ainsi, les classes masculines, plus nombreuses à la naissance, deviennent progressivement moins nombreuses que les classes féminines de même âge.
BERN.-COLLI 1981.
ÉCOL. Pyramide écologique. ,,Représentation sous forme de bandes, dont la surface est proportionnelle à l'effectif (pyramide des nombres), à la biomasse (pyramide des biomasses) ou à l'équivalent énergétique (pyramide énergétique) des individus d'un peuplement, pendant un temps donné`` (Envir. 1976).
GYMN. Pyramide humaine. ,,Colonnes composées par une troupe de sauteurs jouant les uns après les autres le double rôle de voltigeur puis de porteur`` (GITEAU 1970). Je m'achemine (...) vers l'auberge la plus apparente [à Lindau] (...). Toute la maison est en fête (...) il y a (...) des saltimbanques bohèmes qui font le tour de la salle en exécutant la pyramide humaine (NERVAL, Voy. Orient, t. 1, 1851, pp. 27-28).
P. métaph. et par dérision. Sa monotonie [du ménage à trois], ses aspects cirque et « pyramide humaine » ont bientôt fait, je pense, de rebuter les plus grossiers (COLETTE, Ces plais., 1932, p. 247).
E. — Au fig. Construction d'ordre intellectuel, politique, artistique, etc., qui en impose à l'esprit par l'énormité de l'entreprise, par le défi au temps qu'elle représente,mais qui peut aussi apparaître comme l'expression d'un sentiment de vanité. Foin de l'Académie! C'est vieux, démodé, pyramide d'Égypte en diable. — Raison de plus pour y entrer, me dit Jacques. Tu leur mettras un peu de jeune sang dans les veines, à tous ces vieux Palais-Mazarin (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 184). Elle ne fait pas de bruit [la pensée qui bouleverse ce que le destin nous donna], elle ne choque pas un caillou sur la route illusoire que l'on voit, mais tranquillement elle élève une pyramide, indestructible au tournant du chemin plus réel que suit la vie secrète; et soudain, tout ce qui nous arrive (...) prend une direction nouvelle (MAETERL., Temple ensev., 1902, p. 224). Au reste j'analyse mal ce que je sentais, parce que je n'en ai pas une conscience nette, mais c'était une pyramide de vérité auprès de quoi je sentais mon néant, la vanité de mes quêtes (BARRÈS, Cahiers, t. 4, 1906 p. 153).
Rem. L'image de la pyramide renversée reposant sur la pointe symbolise l'instabilité d'une construction, d'une entreprise. Car (le drame d'idées débordant l'autre, et de beaucoup, en signification, ampleur et poids) la pyramide semble poser et prendre appui sur sa pointe (GIDE, Journal, 1931, p. 1092). Est-ce ou non [la Messe] la merveille suprême de l'Art, la pyramide posée sur sa pointe, le néant dispersé par tant de néants? (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1942, p. 143).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 archit. (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 5428); 2. 1370 géom. (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 134, note 5); 3. 1563 « amas, ce qui a une forme de pyramide » (PALISSY, Recepte veritable, éd. A. France, p. 100). Empr. au lat. pyramis, -idis de mêmes sens, gr. , - « id. »; pour l'orig. v. CHANTRAINE. Fréq. abs. littér.:988. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2 202, b) 2 056; XXe s.: a) 791, b) 744.
DÉR. Pyramidé, -ée, adj., minér. Qui présente une forme de pyramide. Cristaux, cubes, tétraèdres pyramidés. De très beaux cristaux verts d'apatite, à structure fendillée, se rencontrent dans le terrain primitif du Canada, en prismes hexagonaux pyramidés. Les cristaux de Snarum, blancs et ternes, sont des prismes pyramidés souvent basés (LAPPARENT, Minér., 1899, p. 532). []. 1re attest. 1801 pyramidé « en forme de pyramide » (R.-J. HAÜY, Traité de minér., Discours préliminaire, p. XLIV); de pyramide, suff. .
BBG. — GOHIN 1903, p. 352. — QUEM. DDL t. 1, 27.

pyramide [piʀamid] n. f.
ÉTYM. 1165; lat. pyramis, grec puramis.
1 Grand monument (cit. 5) à base quadrangulaire et quatre faces triangulaires, qui servait de tombeau aux pharaons d'Égypte. || Les pyramides d'Égypte (→ Archéologie, cit. 2; immémorial, cit. 1). || La pyramide de Chéops (→ Amas, cit. 2; apparaître, cit. 6). || Pyramides à degrés (plus anciennes).Par ext. Construction de même forme (précolombiennes, modernes…). (→ Arc, cit. 15; gazonner, cit. 1). || Les pyramides aztèques, mayas du Mexique.
1 Si, depuis qu'elle a des amants, elle avait exigé de chacun d'eux une pierre de taille pour en bâtir une pyramide, comme fit autrefois une princesse d'Égypte, elle en pourrait faire élever une qui irait jusqu'au troisième ciel !
A. R. Lesage, Gil Blas, III, X.
2 Soldats, songez que, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent.
Bonaparte, Disc. aux soldats de l'armée d'Égypte, 21 juillet 1798 (avant la bataille des Pyramides).
3 J'aimais mieux (…) admirer, du haut du château, le vaste tableau que présentaient au loin le Nil, les campagnes, le désert et les pyramides (…) À l'œil nu, je voyais parfaitement les assises des pierres et la tête du sphinx qui sortait du sable; avec une lunette je comptais les gradins des angles de la grande Pyramide.
Chateaubriand, Itinéraire…, VI, p. 409.
3.1 Dans l'ombre de la grande pyramide, les ramages des derniers rayons diluent un sphinx plus grand encore. Au loin, la seconde pyramide ferme la perspective et fait du colossal masque funèbre, le gardien d'un piège dressé contre les vagues du désert et contre les ténèbres.
Malraux, la Métamorphose des dieux, p. 7.
2 (1361). Didact. (géom.) et cour. Polyèdre qui a pour base un polygone quelconque et pour faces latérales des triangles possédant un sommet commun. || Pyramide triangulaire, quadrangulaire…, dont la base est un triangle, un quadrilatère… || Pyramide régulière, dont la base est un polygone régulier et dont la hauteur (dite axe dans ce cas) passe par le centre de la base. || Apothème d'une pyramide. || Pyramide tronquée, tronc de pyramide. Cône.
Cour. || En forme de pyramide (→ Cime, cit. 1; dent, cit. 29), en pyramide (→ Dessous, cit. 8; épater, cit. 1). Pyramidal. || Branches de pin en pyramide.
3 Anat. Petite saillie osseuse à la paroi interne de la caisse du tympan.Pyramides de Malpighi, pyramides rénales : masses coniques constituant la substance médullaire des reins.Se dit également de diverses parties du faisceau pyramidal.
4 (XVe). Entassement d'objets qui repose sur une large base et s'élève en s'amincissant. || Pyramide de fruits, de chocolat (cit. 3; et → Hausser, cit. 1; poser, cit. 1).
4 Là, sur un grand lit français qui tient toute la largeur de la pièce, une pyramide d'autres Arabes s'étage, invraisemblablement empilés et mêlés, un amas de burnous d'où émergent cinq têtes à turban.
Maupassant, la Vie errante, Tunis.
5 (…) les pyramides d'oranges et de melons sur le pavé d'une petite place trop chaude (…)
Valery Larbaud, Barnabooth, Journal, 27 avril.
5.1 Il avait vaguement envie d'essayer son adresse en démolissant avec quatre balles une pyramide de cinq boîtes de conserves vides, ou en se photographiant d'un coup de fusil.
R. Queneau, Pierrot mon ami, éd. L. de Poche, p. 21.
(1830). || Pyramide humaine : exercice réalisé par plusieurs athlètes dont certains se tiennent sur les épaules, le dos des autres (→ Paillasse, cit. 5).
(XVIIIe, Diderot, Salon de 1765, Loutherbourg). Peint. Disposition des éléments du tableau en pyramide. || Faire la pyramide. Pyramider.Par anal. :
6 Toute œuvre d'art doit avoir un point, un sommet, faire la pyramide, ou bien la lumière doit frapper sur un point de la boule.
Flaubert, Correspondance, 1896, oct. 1879.
Pyramides des âges : représentation graphique de la répartition par âges d'une population.
7 On la représente graphiquement (la répartition d'une population par âges) par le procédé appelé couramment, mais improprement : Pyramide des âges.
On porte en ordonnées les âges de 0 à la limite supérieure (100 ans ou plus) et en abscisses les effectifs à chaque âge (…) sexe masculin d'un côté, sexe féminin de l'autre (…)
Pour une population jeune, la « pyramide » est large dans le bas, mince dans le haut (…) Une population âgée offre une base moins large et une partie élevée plus importante.
A. Sauvy, la Population, p. 22-24.
5 Par métaphore et fig. (du sens 1). Édifice, monument d'ordre intellectuel, politique… || La construction de cette pyramide de la science (→ Base, cit. 17). || Cette prodigieuse pyramide que nous appelons la civilisation (→ Échafauder, cit. 4). || La royauté restait faible (cit. 7) à la pointe de cette pyramide. || Pyramide renversée, reposant sur la pointe, se dit d'un régime, d'une construction instable.
DÉR. Pyramidé, pyramider, pyramidion.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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